Cinéma
Une nuit que je zappais sur ma télévision – à une heure magique où l'on trouve les choses les plus inattendues, entre la troisième partie de soirée et le début de la matinée – mon doigt fut soudain comme paralysé sur ma télécommande. Impossible de poursuivre ma traversée des chaînes plus loin dans la thématique "cinéma", ni de revenir vers celle du sport...
Une nuit que je zappais sur ma télévision – à une heure magique où l'on trouve les choses les plus inattendues, entre la troisième partie de soirée et le début de la matinée – mon doigt fut soudain comme paralysé sur ma télécommande. Impossible de poursuivre ma traversée des chaînes plus loin dans la thématique "cinéma", ni de revenir vers celle du sport...
Sur l'écran, une scène
de torture m'éclaboussa la figure : un homme à l'allure christique
était allongé nu sur la carcasse d'un lit en fer que des soldats
électrifiaient sporadiquement. Hypnotisé par ce plan, cet
interrogatoire en espagnol, cette atmosphère glauque et rosâtre,
j'étais partagé entre malaise et fascination, un zigzag entre les
sensations qui m'accompagera finalement d'un bout à l'autre du film
que je décidais de visionner quelques jours plus tard.
Mon entrée dans le cinéma
chilien se fait donc par la découverte d'Alejandro Jodorowsky,
artiste atypique s'il en est, figure avant-gardiste faisant jongler
son art provocant entre surréalisme et ésotérisme. Né en 1929, il
est au fait de sa carrière lorsqu'il développe son projet de
raconter son enfance, dans la ville de Tocopilla, entre un père
stalinien jusqu'au bout de la moustache et une mère castafiore
parfois castratrice (Pamela Flores).
Partant de ce postulat
familial, Jodorowsky fait danser la réalité à travers l'expérience
d'un enfant (Jeremias Herskovits), un gosse qu'il accompagne tout au
long du film comme il l'accompagnera lui-même durant toute sa vie.
Le réel se confronte à
l'imaginaire enfantin qui, bien qu'élevé à la dure, n'évite pas les peurs et les apprentissages propres à cette période de
l'existence. L'éducation paternelle lui enseigne comment "devenir
un homme" quand sa cantatrice goulue de mère lui apprend l'art de se fondre dans le
noir pour effacer ses craintes, et d'effacer le poids de ses origines
pour se fondre dans la société.
Le père quant à lui
s'éloigne, partant à la conquête de ses idéaux. Son aventure le
conduit d'une réunion clandestines de camardes communistes dans un
bouge obscure à la fomentation d'un complot visant à assassiner
Carlos Ibanez del Campo qui règne en maître sur le Chili. Des
pérégrinations, qui n'auront pas l'effet escompté, le confrontant
à la complexité du genre humain et à travers lui à l'indicible
destinée de l'âme.
Découvrant la foi au
contact de gens qu'il méprisait au départ, il en revient
transformé, brûlant ses anciennes idoles et par elles le despote
intransigeant qu'il était pour sa famille.
Alejandro, lui, poursuit
sa découverte de la vie, côtoyant des personnages uniques et
loufoques (le Théosophe ou la bande des infirmes entre autres), conscient que ce qui sera déterminant dans le futur se
trouve déjà en lui.
La famille prend le large,
quittant Tocopilla et le spectateur en laissant derrière eux des
images rythmées, vives et colorées, parfois violente mais qui
composent un récit autobiographiquement fictif : en somme, à
travers lui chacun peut peut y découvrir la métaphore de sa propre
enfance.
13/10/2015.
La Danza de la readitad,
Alejandro JODOROWSKY
(2013) - 2h 10.